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Français sur objectif spécifique, aspect historique, pédagogique

Publiée par Katalin Szilágyi

Publiée le

français sur objectifs spécifiques, français de spécialité

Le développement du terme « français spécifique »

“Français sur objectifs spécifiques”, “français de spécialité”, les étiquettes sont multiples et circulent dans le domaine de la didactique des langues étrangères depuis un certain nombre d’années. Quelle que soit l’appellation choisie, la conduite de formations destinées à ces “apprenants ayant des besoins de communiquer en langues étrangères déterminées par leur activité professionnelle” présente toujours de sérieux défis.

La langue que nous appelons accidentellement langue sur objectifs spécifiques – français sur objectifs spécifiques dans notre cas - est généralement utilisée pour désigner le langage d’un métier parlé par des professionnels lors de leurs interactions professionnelles. Elle est l’aboutissement actuel, d’une réflexion ancienne (déjà de quarante ans) visant la conception d’un cours de français destiné à des adultes qui souhaitent utiliser le plus rapidement possible certaines compétences linguistiques et langagières dans un domaine précis. 

Le français scientifique et technique (FST), c’est sans doute la toute première appellation du FOS qui date des années 50 où le Ministère français des Affaires étrangères, pour mettre en place un enseignement de français non général, a construit l’expression en question.

Le français scientifique et technique constitue une approche terminologique basée sur un français fondamental – sans toutefois préciser le public ciblé. Il s’agit d’un inventaire lexical réalisé à partir d’un corpus d’énoncés oraux sur lequel ont été appliqués des critères de fréquence, de disponibilité et d’empirisme. De nombreux ouvrages apparaissent sur l’acquisition du vocabulaire spécifique, le plus célèbre est le Vocabulaire général d’orientation scientifique (VGOS) de Phal qui verra le jour en 1971.

Selon l’auteur, André Phal « ...le vocabulaire technique, spécifique est propre à une science ou à une technique donnée. C'est essentiellement un vocabulaire de désignation qui fournit les nomenclatures, les terminologies. (...) Le vocabulaire scientifique n'est pas spécifique d'une science ou d'une technique donnée. Il se situe entre le vocabulaire " usuel " de la langue quotidienne et le vocabulaire technique. »

Vers les années 80, avec l’émergence de l’approche communicative, le discours scientifique désigne tous les discours produits par des spécialistes sur leur sujet de spécialité qu’ils s’adressent à des spécialistes du même domaine ou d’un domaine voisin, à des spécialistes de leur niveau ou à des apprenants, ou encore à des non-spécialistes. La dimension orale, alors négligée trouvera également une place. Enfin, le public, jusque-là limité aux scientifiques en contexte FLE, va s’élargir aux étudiants pour qui le français est la langue d’enseignement, c’est-à-dire en situation de FLS. Les besoins en français juridique, médical ou autre se feront ressentir sur le marché.

Le terme français scientifique et technique deviendra trop étroit pour couvrir cette nouvelle diversité des domaines d’application dans les années 80, une appellation plus générique sera employée pour désigner les langues « qui impliquent la transmission d’une information relevant d’un champ d’expérience particulier » (Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, 1976), il s’agit du « français de spécialité ».

En 1998, le programme européen TACIS (Technical Assistance for community of Independent States) a vu le jour en Ukraine, visant la restructuration de l’agriculture.

L’objectif est d’envoyer des agriculteurs ukrainiens en France pour un séjour de six mois dans différentes exploitations agricoles, afin qu’ils puissent en découvrir l’organisation. Ces agriculteurs doivent pour cela acquérir en un temps très court une compétence linguistique opérationnelle.  Ils suivent une formation linguistique intensive de quelques mois dans leur pays d’origine.

Mangiante et Parpette, qui citent le cas de ci-dessus de l’Ukraine, précisent que l’enseignement du français spécifique nécessite une sélection sévère sur les sujets ou les compétences à enseigner, autrement dit, il s´agit d´orienter prioritairement l´enseignant sur les différentes situations de communication auxquelles sera confronté l´apprenant ultérieurement dans son activité professionnelle.

« Dans un contexte où tout passe par le langage, qu’il s’agisse de l’intégration administrative, de l’acquisition des connaissances, ou de la réussite aux examens, la compétence universitaire s’inscrit largement dans la compétence linguistique. »

Mangiante et Parpette utilisent le terme Français de Spécialité (FS), et ce n’est pas seulement le nom, mais le contexte aussi qui change. Pour ces auteurs il s’agit de méthodes destinées à des publics spécifiques étudiants le français dans une perspective professionnelle ou universitaire. Ces méthodes, comme leur nom l’indique, mettaient l’accent sur une spécialité (le français médical, le français juridique, le français de l’agronomie, etc.) ou sur une branche d’activité professionnelle (le tourisme, la banque, les affaires). Une nouvelle appellation apparaît : langue de spécialité (désormais LSP).

Les didacticiens vont élargir au maximum le contenu de la notion LSP en passant de la notion de langue de spécialité (associant lexique spécialisé et tournures grammaticales typiques, sous formes d’études quasi stylistiques) à celle de « langues spécialisées ».

Mais l’appellation finira par être victime de sa largeur, « LSP pose en effet de nombreux problèmes en raison de la multiplicité des catégories de langues regroupées sous cette étiquette », comme le dit Holtzer.

En effet, comment distinguer sur le plan linguistique les frontières de domaines professionnels parfois très proches : économie/affaire. D’autre part, elle ne précise pas ce qui, concrètement, permet de distinguer une langue dites « de spécialité » d’une langue dite «générale». Enfin, l’appellation Langue de spécialité finit par être remise en cause.

La langue de spécialité n’est pas une langue à part, elle dépend d’une langue naturelle, l’usage du français peut expliquer et transmettre les connaissances.

La terminologie Français sur Objectif Spécifique (FOS) apparait dans les années fin 80, elle est calquée sur l'expression anglaise "English for Special Purposes" (ESP) lancée par Hutchinson T. Waters A.

FOS indique un décalage conceptuel par rapport aux notions précédentes. FOS concerne des publics, des spécialistes non en français mais en leurs domaines professionnel ou universitaire, qui veulent apprendre DU français dans un temps limité POUR réaliser un objectif qui est à la fois précis et immédiat, d'où l'expression "objectifs spécifiques". Selon Holtzer (2004), il s’agit d’« un faux objet neuf » dans le sens où la notion de FOS résulte de plus d’un demi-siècle de réflexion et de travaux portant sur l’enseignement/apprentissage d’un français à usage non général : « les termes « français fonctionnel », « français de spécialité », « français sur objectif(s) spécifique(s) » sont différents noms de baptême pour une même notion ».

Mangiante et Parpette ont une vision très nette sur les contenus du FS et du FOS qu’ils résument par les deux listes suivantes :

 

FS

ancrée dans une spécialité ou un champ professionnel

logique de l’offre

approche globale d’une discipline ou branche professionnelle

approche au cas par cas

public large

 

FOS

couvre toutes les situations, que celles-ci soient ancrées ou non dans une spécialité

logique de la demande

approche au cas par cas

public précis en fonction des domaines et des besoins

 

Les changements fréquents de dénomination de ce domaine disciplinaire (Langues de spécialité/ français instrumental/ français fonctionnel/ Français sur objectifs spécifiques/ Français de spécialité vs Français sur objectif spécifique) mettant l’accent soit sur la variété de langue : français scientifique et technique / langue de spécialité, soit sur l’usage de la langue : français instrumental / français fonctionnel, soit sur les objectifs visés : français sur objectifs spécifiques / français de spécialité vs français sur objectif spécifique) signalent à la fois un champ disciplinaire en mutation rapide et un domaine disciplinaire en quête d’identité. 

Ce qui est prévisible dans l’enseignement du français sur objectif spécifique, c’est qu’il y en aura toujours besoin étant donné que le marché du travail exigera toujours des experts bien formés aussi du point de vu linguistique. Les éléments qui restent imprévisibles, ce sont le contenu à enseigner et les méthodes de l’enseignement. Les innovations, les tendances du développement technologique, l’évolution du marché du travail posent des incertitudes ce qui oblige les enseignants du FOS à suivre de près les changements.

 

La Filière francophone

La Faculté de commerce extérieur de l’Université des sciences appliquées d’économie et de gestion de Budapest gère une formation particulière depuis 1991: la Filière francophone.

Le besoin auquel cette formation répond est né au début des années 90, le lendemain du changement de régime politique de la Hongrie. Les entreprises nouvellement créées avaient rapidement besoin de jeunes cadres bilingues qui, parallèlement à une bonne maîtrise de langue, gèrent une bonne connaissance de la culture d’entreprise française.

Il s’agit d’une formation de 6 semestres d’études que les étudiants poursuivent tout en étant inscrits à deux établissements dont ils obtiennent les diplômes: la Faculté de commerce extérieur de Budapest et la Faculté d’économie de l’Université Picardie Jules Verne, Amiens. Etant donné que les maquettes des deux établissements se couvrent en grande mesure, la langue de l’enseignement est le français.

Les intervenants se recrutent parmi les professeurs des deux établissements et parmi les professionnels français expatriés en Hongrie.

Il est à noter qu’il s’agit ici d’une activité didactique au cours de laquelle la langue n’est pas une fin mais un outil. On n’enseigne pas la langue, on enseigne un métier par la langue. Il est clair que la langue étrangère en tant qu’outil impose une approche différente que celle qu’on adopte quand on enseigne en langue maternelle. La nouvelle approche est celle que la langue étrangère impose par sa structure, par ses règles différentes à la langue maternelle, et aussi – et surtout – par l’élément culturel qu’elle véhicule. 

Les disciplines enseignées

Les disciplines enseignées s’accordent au profil de l’enseignement des deux établissements partenaires: économie internationale, micro et macroéconomie, mathématiques, statistique, informatique, marketing, comptabilité, gestion d’entreprise, économie d’entreprise, techniques de négociation.

La création de la Filière est le résultat d’une contrainte prévisible. L’implantation des entreprises françaises en Hongrie a rendu nécessaire le lancement d’une formation qui répond aux nouveaux besoins du marché sur le plan technique et technologique et aussi sur le plan linguistique. Ce qui était imprévisible au moment du lancement du programme d’enseignement, c’était son succès et son impact psychologique sur les étudiants inscrits à la formation. Il s’agit d’une ouverture d’esprit spécifique obtenue grâce au fait d’apprendre tout en langue étrangère. Une certaine distance s’intercale entre l’étudiant et le sujet qu’il étudie, il traite les matières avec une souplesse par le fait qu’il utilise une autre langue que sa langue maternelle. C’est l’ouverture, la souplesse de l’esprit de l’étudiant qui sont les éléments et les acquis imprévisibles reconnus grâce au programme.

 

Conclusion

La langue étrangère n’est pas une fin mais un outil, surtout dans le cas où elle sert l’enseignement professionnel. L’avantage d’assurer l’enseignement d’un cours professionnel en langue étrangère est double:

  • l’étudiant s’approprie du vocabulaire technique et des connaissances techniques au même moment, l’un soutient l’autre, les deux éléments de connaissance ne font qu’un ensemble organique,
  • la langue étrangère véhicule sa façon de raisonnement et son univers culturel, connaissances indispensables dans l’interaction humaine.

La Filière francophone de la Faculté de commerce extérieur de Budapest se propose la tâche complexe de combiner l’avantage double susmentionné avec celui que l’enseignement supérieur à l’échelle internationale peut pourvoir à ses étudiants.

 

Bibliographie

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            Cambridge, Cambridge University Press

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MARTIN, J.-C., 2002, Communiquer, mode d’emploi, Marabou

MOURLHON-DALLIES, F: Enseigner une langue à des fins professionnelles, 2008, Didier, Paris

MYERS, C., 1999, Les bases de la communication interpersonnelle, Mc Graw-Hill

USUNIER, J.-C., 2000 Marketing interculturel, Paris linguistiques. Palaiseau, Editions de l’Ecole

       Polytechnique

Katalin Szilágyi

Hongrie

Enseignant(e)

Disciplines :
  • Traduction & interprétation
  • Français professionnel

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