Cinéma-monde en français La Nuit des Rois de Philippe Lacôte
Publiée par Alain Chedeville
Publiée le
La ressource en bref
Niveaux : A2, B1, B2, C1, C2
Cinéma-monde en français
La Nuit des Rois de Philippe Lacôte
Un titre shakespearien pour un récit qui semble tiré des Mille et une nuits : raconter une histoire pour ainsi sauver sa vie. Ceci dans le cadre de la plus grande prison d’Abidjan, la MACA, implantée au beau milieu de la forêt.
Un très jeune délinquant arrive un jour dans cette maison d’arrêt surpeuplée, gérée par les propres détenus et gouverné par l’un d’eux, le Dangôro, surnommé Barbe Noire, affaibli par la maladie et dont le pouvoir est contesté par des chefs de bande plus jeunes que lui.
L’arrivée du nouveau détenu ainsi que l’apparition dans le ciel de la lune rouge, c’est là que la magie et les vieilles traditions font leur apparition dans le film, vont permettre au Dangôro d’obtenir un sursis. Le jeune homme deviendra le « Roman » et devra captiver les autres prisonniers durant toute une nuit avec une histoire. Un Shéhérazade en milieu carcéral.
Intimidé d’abord, puis gagnant en assurance à mesure qu’il réussit à captiver son auditoire, le conteur se lance dans un récit où se mêlent la vie d’un chef de gang, Zama King, qui trouve la mort lynché par une population lasse de ses exactions, et les légendes et les traditions les plus anciennes.
Autour de lui, une foule de reclus s’agite au rythme de l’histoire, chante, danse, rugit a l’instar d’un chœur antique. Une foule chauffée à blanc que le moindre incident pourrait faire exploser. Au milieu de cette foule hétéroclite, nous reconnaissons l’acteur français Denis Lavant, déambulant, un poulet juché sur son épaule.
Philippe Lacôte, réalisateur de l’excellente série documentaire Les Routes de l’Esclavage, filme au plus près ces corps en tension, ces visages hallucinés, cette violence souterraine, d’un regard plein d’humanité.
La Nuit des Rois nous montre, sans ambigüités mais avec une grande charge poétique, cette Côte d’Ivoire où se côtoient les traditions et la magie ancestrales et la plus dure violence de l’actualité.
Comme, sauf quelques expressions en « nouchi », l’argot ivoirien, le film est parlé entièrement en français, ilo me semble être une belle occasion de faire découvrir à nos apprenants un cinéma et une culture qui s’expriment dans cette langue. Une manière d’entrer en contact avec ce que l’on pourrait appeler la culture-monde en français, une culture où la langue de Molière et de Descartes prend des couleurs et des sonorités différentes selon le pays où elle se trouve, couleurs et sonorités qui l’enrichissent malgré ce que considèrent certains rétrogrades.