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FICHE DE LECTURE Petit Pays, Gaël Faye

Publiée par Alain Chedeville

Publiée le

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La ressource en bref

Niveaux : B1, B2, C1, C2

FICHE DE LECTURE

Petit Pays, Gaël Faye, Grasset & Fasquelle, Paris, 2016

Gaël Faye. On ne parle que de ce jeune homme, ces temps-ci. Son nouveau disque, Lundi méchant, son roman, le film qui en a été tiré… Un marronnier, alors ? Vraisemblablement. Or, il s’avère que le jeune homme en question est bourré de talent et qu’en outre, son roman peut être suggéré à nos apprenants à partir d’un niveau B1.2.

Dans Petit pays, Gabriel, 10 ans, coule des jours heureux à Bujumbura.  C’est le fils d’un français et d’une rwandaise, exilée au Burundi à cause des persécutions que subit son ethnie, les  tutsis, dans son pays natal.

Gaël Faye s’est inspiré de son enfance enchantée et de la fin tragique de celle-ci,  pour écrire son roman. Une enfance qui se trouve du jour au lendemain face à l’inexplicable.

Ainsi, un jour, Gabriel interroge son père sur les raisons pour lesquelles s’affrontent Tutsis et Hutus au Rwanda. Ils vénèrent le même dieu, parlent la même langue, mangent les mêmes plats mais…les Hutus ont un gros nez et les Tutsis en ont un fin et long.

Il s’agit là de la même explication absurde d’une guerre qui finira en génocide que donne Scholastique Mukasonga dans son roman Notre Dame du Nil. Cette explication, qui n’est pas un hasard,  est clairement celle qui circulait à l’époque dans le pays de Grands Lacs, elle tentait de justifier les plus absurdes des activités humaines, la haine et la guerre, et leur cortège de mort et de désolation.

Or, avant cette désolation, nous assistons à la vie heureuse de Gaby et ses copains dans l’impasse où ils habitent. Impasse créée de toutes pièces par l’auteur pour symboliser le vase clos dans lequel ils vivaient.

Quelques failles apparaissent, toutefois,  dans ce monde idyllique, la mésentente des parents de Gabriel ; la violence raciste d’un passé colonial toujours vivant incarné par Jacques, un vieux belge habitant le Zaïre, ami de son père et qui traite son cuisinier de macaque ; et, finalement, la violence de classe qui lui saute aux yeux à peine a-t-il franchi les limites de son quartier bourgeois.

Et puis, la violence meurtrière éclate, aussi bien au Burundi, petit pays natal de Gaby, qu’au Rwanda d’où est originaire sa mère. Une guerre civile, un génocide.

« Je n’avais pas de réponse à donner à ma petite sœur. Je n’avais pas d’explications sur la mort des uns et la haine des autres. La guerre, c’était peut-être ça, ne rien comprendre.

Parfois, je pensais à Laure, je voulais lui écrire, et je renonçais. Je ne savais pas quoi lui dire, tout paraissait si confus. J’attendais que les choses s’améliorent un peu, alors je pourrais tout lui raconter dans une longue lettre pour la faire sourire comme avant. Mais pour l’instant, le pays était un zombie qui marchait langue nue sur des cailloux pointus. On apprivoisait l’idée de mourir à tout instant. La mort n’était plus une chose lointaine et abstraite. Elle avait le visage banal du quotidien. »

La situation devenant insoutenable, Gaby et sa petite sœur sont extradés en France.

Plusieurs années plus tard, Gaby, jeune homme, se questionne :

« Il m’obsède, ce retour, je le repousse, indéfiniment, toujours plus loin. Une peur de retrouver des vérités enfouies, des cauchemars laissés sur le seuil de mon pays natal. Depuis vingt ans je reviens ; la nuit en rêve, le jour en songe ; dans mon quartier, dans cette impasse où je vivais heureux avec ma famille et mes amis. L’enfance m’a laissé des marques dont je ne sais que faire. Dans les bons jours, je me dis que c’est là que je puise ma force et ma sensibilité. Quand je suis au fond de ma bouteille vide, j’y vois la cause de mon inadaptation au monde. »

C’est ainsi que commence le roman et c’est ainsi que finit l’histoire de Gaby.

Dans son premier roman, Gaël Faye possède déjà un style qui lui est propre et où l’on retrouve le rythme et la musicalité du hip hop ainsi que l’influence de grands auteurs comme l’Ivoirien Kourouma et l’Haïtien Depestre.

« À l’OCAF, les voisins étaient surtout des Rwandais qui avaient quitté leur pays pour échapper aux tueries, massacres, guerres, pogroms, épurations, destructions, incendies, mouches tsé-tsé, pillages, apartheids, viols, meurtres, règlements de comptes et que sais-je encore. Comme Maman et sa famille, ils avaient fui ces problèmes et en avaient rencontré de nouveaux au Burundi – pauvreté, exclusion, quotas, xénophobie, rejet, boucs émissaires, dépression, mal du pays, nostalgie. Des problèmes de réfugiés. »

« L’après-midi touchait à sa fin. Rosalie continuait de raconter son époque, ses souvenirs sépia d’un Rwanda idéalisé. Elle répétait qu’elle ne voulait pas mourir en exil comme le roi Musinga. Qu’il était important qu’elle s’éteigne sur sa terre, dans le pays de ses ancêtres. Rosalie parlait doucement, lentement, avec les intonations d’un joueur de cithare, comme un doux murmure. »

Un bel ouvrage, donc, que, je crois, peut être mis en mains de nos apprenants dès la moitié du niveau B1.

Un bel ouvrage qui nous fait espérer revoir bientôt le nom de Gaël Faye sur la couverture d’un livre.

Alain Chedeville

Argentine

Enseignant(e)

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